L’éveil du cœur de compassion : «Hotsu Bodaishin» 2021

L’éveil du cœur de compassion : «Hotsu Bodaishin» 2021

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L’éveil du cœur de compassion
«Hotsu bodaishin» 2021





Cette année 2020, l’épidémie du Covid a été sévère dans le monde entier, et aussi en France où le personnel soignant des hôpitaux a été pris au dépourvu, ils n’avaient pas de masques, ni de blouses pour se protéger. Tout ce matériel manquait parce qu’il était fabriqué maintenant en Chine et la priorité était d’abord de fournir les USA. Cela a fait réfléchir beaucoup de gens sur le mondialisme et la dépendance réciproque des états. Cependant, c’est avec le cœur plein du désir de soigner, de soulager les souffrances et la solitude des malades, que médecins, infirmières et aide soignants se sont dévoués, sans aucunes illusions sur les risques qu’ils prenaient pour leur santé et celle de leur famille. Beaucoup ont été malades et parfois ils en sont morts.
La devise de la république française est:«Liberté, Égalité, Fraternité.», c’est un idéal pour promouvoir une justice sociale qui rend agréable de vivre dans ce pays et le rend fort.
La compassion est un sentiment spontanée quand on ressent la souffrance des autres au niveau de son cœur. Elle se développe quand on cultive consciemment une attitude aimante et bienveillante vis à vis de ses semblables et de tout les êtres.
Kobo Daïshi a dit:
«Lorsque l’on observe tous les êtres de l’univers infini, ce doit être comme si on s’observait soi-même, on pense d’abord aux autres avant soi. »




L’histoire de la petite chenille verte
«Un matin, j’ai ouvert la porte d’entrée de la maison et j’ai vu une chenille verte qui avançait rapidement vers moi avec ses nombreuses pattes en chantant: « Le vert est la couleur de l’éveil. Dépasser les voiles d’illusions et abandonner les points de vue, vous fera voir la vérité».
Je me demandai ce que cela pouvait bien vouloir dire? J’engageai la conversation avec elle, comme dans les histoires Zen.
-«Toi, qui viens de si loin, que veux tu?
Ma voix était ferme, mais je n’étais pas rassuré durant cette rencontre officielle.
-«Je cherche l’éveil, et aussi, j’ai senti une délicieuse odeur de feuilles par ici, je veux me rassasier ».
-Cherches-tu l’éveil ou à manger? Tu es déjà bien dodue pour une chenille, tu devrais penser à cocooner. Manger ne t’apportera pas l’éveil mais peut t’aider à y parvenir.
Il te faut des moyens d’existence juste, être calme et stable pour bien vivre, mais le but, c’est que tu puisses devenir papillon.
-«C’est quoi un papillon?»
-«C’est quand tout ton corps se transforme en autre chose que ce tu es actuellement.
Dans cet état tu verras le monde autrement, tu verras loin, profond, tu verras… bref tu verras…beaucoup d’autres choses que tu ignorais, d’autres animaux. C’est cela le sens de ta vie, suis ton évolution naturelle dans le monde, ce que tu es maintenant a aussi sa valeur et doit être développé. Adieu, répètes dans ton cœur souvent la syllabe «A», l’origine de tout les mantras, et prends grand soin de toi. Toi qui cherche la vérité».
Je pris doucement entre mes doigts, l’audacieux animal et la déposait délicatement sur une fleur épanouie dans un arbrisseau.»




Existe-t-il une réalité ?
Le soir, comme d’habitude avant de dormir, je pensais à ce que j’avais dit ou fait de la journée écoulée. Je faisais mon examen de conscience.
Avais-je été suffisamment attentif à instruire la petite chenille? Sa foi et sa pureté m’avaient touché et peut être que j’aurai du lui parler de la vacuité, mais en ne disant que l’essentiel, j’avais évité la dispersion de l’information. J’aurai pu lui dire de se concentrer sur une lune blanche dans son cœur, mais où le situer? Peut être est-il entre la troisième ou quatrième paires de pattes? Et puis, elle se trémoussait tellement! Sans doute que chez les chenilles, la lune n’apparaît pas toute ronde et fraîche comme chez les humains.
Elles ont d’autres sens, un odorat plus aiguisé que le notre, un autre cerveau qui doit modéliser autrement la réalité que nous. Ou plutôt ce que nous, nous croyons être la réalité, car notre conception du monde n’est aussi que toute relative. Comme chez toutes les espèces animales, notre compréhension est limitée au développement de notre cerveau.
L’école du bouddhisme Yuishiki, dit que l’univers n’est rien que conscience. La réalité n’existerait donc pas en soi, c’est selon nos besoins d’humains que nous découpons avec des mots les choses du monde! Tout les mots utilisés pour le définir sont relatif à nos besoins vitaux et notre compréhension humaine.Notre esprit décide ce qui est beau et attirant ou pas. Si nous voulons voir le monde d’une manière plus scientifique, ce serait bien d’avoir un peu de recul vis vis de cela!
Pendant le Kanjo, une initiation très importante du Shingon, le maître montre un miroir circulaire et dit:«Tous les dharmas (les concepts que l’on se fait sur le monde) sont vides de nature propre».
La matière paraît être une substance compacte, dure, mais cette impression est crée par des particules qui en tournant rapidement autour d’un noyau dans le vide produisent des phénomènes électromagnétiques, comme des aimants qui se repoussent les uns les autres. L’univers entier est de la lumière, il est vide de substance. La matière est vide, elle est une vérité relative construite par nos perceptions limitées. Une seule certitude, la petite chenille, les humains, la montagne ont la même nature fondamentale, des particules lumineuses qui tourbillonnent en permanence qui créent l’illusion d’un monde solide concret en perpétuel transformation.
La pratique de la méditation éveille d’autres possibilités de perception que les cinq sens ordinaires (vue, odorat, goût, toucher, ouïe). Et à un niveau plus avancé, si nous pouvions voir dans d’autres fréquences comment s’organise la lumière de l’univers, nous risquerions de découvrir l’existence d’autres mondes où vivent beaucoup d’êtres, en cours d’évolution comme nous. Dans le bouddhisme, on parle de terres de Bouddha, ou de paradis de l’Ouest pour Amida nyorai et de l’Est pour Yakushi nyorai. Tout ceci, ce ne sont pas de simple légendes ou des superstitions mais des niveaux où notre conscience, de notre vivant ou après la mort, peut aller pour continuer à se développer. Toutes les ascèses sont orientées vers cette prise de conscience libératrice des illusions de ce monde et d’autres.
Il ne suffit pas de prier, il faut aller au-delà de notre représentation du monde qui nous limite. Un poisson peut-il imaginer que l’on peut vivre sur terre et à quoi cette vie pourrait ressembler? Chacun perçoit le monde selon son niveau d’éveil intérieur et croit bien le connaître. C’est mieux d’avoir un peu d’ouverture d’esprit et de se poser de temps en temps quelques questions.




Histoire soufi des poissons philosophes
Parmi leur communauté, une histoire circulait:«Tout les poissons vivent, respirent, et mènent leur existence uniquement grâce à une seule source, l’eau.».
«Comment se fait-il que nous l’ayons jamais rencontré, nous, qui vivons dans l’océan, se demandaient-ils? Comment pourrions la connaître?»
Tout les points de vue divergeaient et le chahut régnait parmi la communauté.
Ils demandèrent en le suppliant l’aide d’un vieux sage poisson qui ne se contentait pas de brasser les idées mais il connaissait la vérité par sa réalisation intérieure.
Celui-ci répondit:«Existe-t-il une chose qui ne soit pas lui? Tout vient de l’élément eau et y retournera.Nous vivons dans un océan sans limite de cet élément et nous en sommes l’expression sans le savoir. C’est lui même qui se cherche à travers cet effort que nous faisons tous actuellement pour le connaître.»
Les hommes vivent entourés de l’océan de la nature pure de leur esprit mais ils ne le connaissent pas. Connaître une chose avec des mots, ce n’est pas la connaître car les mots font des différences et des oppositions ou des similitudes. Le mental raisonne sur des concepts anciens, des images, des sensations. Il ne suffit pas d’en parler il faut expérimenter une chose de l’intérieur pour la connaître.
Pour connaître la vérité ultime qui nous apporterait la paix, il faut percevoir l’océan de lumière qui nous entoure au-delà des catégories intellectuelles connues. Ce que nous cherchons dans la vie, c’est une fusion qui nous ravirait avec Dieu ou le Bouddha, et nous utilisons les amours et les désirs du monde pour tendre vers cet unité avec lui. La vie, c’est un voyage intérieur vers l’amour universel dans lequel on s’oublie soi même. Pour réaliser cette union, il faut se libérer de la carapace de l’ego et ouvrir des portes à l’intérieur de notre corps,et y purifier, dans les différentes salles, des voiles de l’ignorance, de l’égoïsme et de la violence.
Pour s’unir, il suffit, de lâcher prise à notre cogitation permanente, de s’abandonner, de juste respirer la lumière qui nous entoure sur laquelle les choses du monde se reflètent.
Dans la tradition spirituelle de l’Inde, les yogis respirent cette lumière qu’ils appellent le «Prana». La nature de Bouddha, la nature de notre esprit et celle de tous les êtres qui nous entourent sont la mème chose vue de différents points de vue. Les vagues de l’océan paraissent exister séparées mais leur substance est la même. Pour le percevoir, il faut rester sans saisie dualiste, ni de jugement en bien, en mal vis à vis du monde, avec un sentiment de joie et de reconnaissance pour l’amour reçu, nous pouvons réaliser immédiatement que tout est UN.




«Le cœur, la sphère de l’espace et la bodhi, sont une seule et même chose»Dainitchikyo
Notre nature innée de Bouddha en germe, le cœur de Bodhi, est sans caractéristique, vaste comme l’espace, immaculée et éternellement stable. Elle n’a pas de forme, ni de couleur, ni de densité, ni rien de notre monde à quoi on pourrait la comparer.
Comme, elle est sans caractéristiques dès l’origine, rien ne peut l’ébranler, elle est calme. Elle permet de réaliser la connaissance du samadhi. On dit qu’elle est de la nature de l’espace parce qu’elle est l’essence de tout ce qui existe, de la lumière pure.
Les maîtres qui ont réalisé cette présence en eux parlent d’une joie aimante, du sentiment de gratitude de communiquer avec la vie de l’univers.
Si vraiment on comprends que la nature ultime de tout ce qui existe autour de nous, c’est de la lumière comme l’enseigne la physique, alors nous comprenons aussi que le monde tel qu’il nous apparaît dans sa forme est une projection, une création de notre esprit.
Si nous voulons réaliser cette connaissance intérieure nous devons éviter les pensées et les agitations inutiles du monde et rester calme, attentif à l’état de notre cœur.
L’ attitude altruiste, la prière et la méditation aident à développer la compassion. C’est ainsi que l’on peut devenir conscient de cette lumière qui nous entoure et apprendre à vivre paisiblement dedans. Alors l’intuition du cœur s’éveille, ainsi que la sagesse qui en est le fruit. Ultimement elle devient la grande compassion, (Dai bodai shin) qui permet d’atteindre l’illumination. La personnalité s’affine ce qui est un facteur important de réussite sociale.
Les pratiquants du Dharma cherchent à se perfectionner en développant quatre qualités, dites «incommensurables».
La première est l’amour infini, la seconde la compassion infinie, puis la joie infinie, enfin l’équanimité infinie des sentiments. Ces qualités purifient parfaitement le cœur et le déterminent à servir le bonheur de tous les êtres.
Quelques soient les religions la purification de soi est indispensable.
Dans le Shingon, c’est le yoga des trois mystères, qui purifie le corps, la parole et les pensées. Si on pratique ainsi quotidiennement toute sa vie l’égo se dissout petit à petit et on réalise en soi et à l’extérieur de grandes choses.
On devient un éveillé, on est conscient que tout l’univers est un océan de lumière plein d’amour.




Le Bouddha s’exprime partout et dans le cœur de chacun d’entre nous.
Kobo Daïshi a dit:«Le Bouddha et le Dharma ne sont pas loin, c’est tout près dans notre cœur. L’obscurité et la lumière ne sont pas ailleurs. Si on a la foi et qu’on pratique on atteint rapidement le satori »
Il ne faut pas chercher le Bouddha à l’extérieur mais dans notre cœur, en observant ses réactions naturelles. Est-il joyeux, triste, énervé, paisible, attentif ou endormi?.
«Tout s’élève du cœur, les choses sont comme les reflets dans un miroir».
A chaque instant, notre nature profonde de Bouddha est obscurcie par les influences, du monde extérieur et de nos émotions. Notre cœur est comme une lune pure devant laquelle passent des nuages qui apparaissent et disparaissent sans laisser de traces. Si nous nous détachons des apparences et regardons la lune de notre esprit, nous restons calme dans la pureté de la vacuité, susceptible de comprendre avec intelligence la situation, nous sommes éveillés. Mais c’est beaucoup plus difficile à faire quand nous communiquons dans le monde avec les autres, nous sommes vite pris par la vision des nuages.
Si nous cherchons à nous améliorer, nous pouvons choisir de voir dans chaque être agréable ou désagréable, des messagers du Bouddha qui expriment une sagesse qui les dépasse pour notre bien. On dit que Foudo-myoo s’exprime pour notre bien d’une manière gentille comme Kongara ou de manière dure comme Seitaka.
Il faut savoir écouter les autres, sinon nous apprendrons rien. Matsumoto Jitsudo, Kantcho de Hozanji a dit:«Soyons vigilants au fond de nous même. C’est grâce à notre humilité de cœur que notre intelligence s’ouvre aux autres et qu’elle peut remplir son véritable rôle». L’amour, l’humilité, la douceur, la subtilité de l’esprit qui naît du silence, ce sont de belles qualités à développer pour s’améliorer.
Selon la maturité de notre cœur, on peut comprendre l’état intérieur et des besoins des autres êtres.Celui qui reste calme ne s’égare jamais, s’il respecte l’identité et les besoins des autres.
Cette disponibilité intérieure favorise la compréhension mutuelle, l’entente, et l’entraide dans un groupe. Les cœurs s’enrichissent les uns des autres de leur bienfaits réciproques.
Par exemple, si nous irradions spontanément par notre cœur, la lumière, l’amour et la sagesse du Bouddha même sans vraiment en être conscient, les autres le ressentent. Leurs réactions de générosité à notre égard sont le reflet de notre état intérieur secret vis à vis d’eux. Ainsi, nous devenons un facteur d’harmonie pour le bonheur de tous.
Ainsi, quand je demande de l’aide en priant Kangi-ten pour résoudre un problème concret, des gens m’apportent spontanément ce dont j’ai besoin au bon moment comme si quelqu’un s’occupait de moi sans que je le sache.
Un livre, un texte, une aide manuelle ou financière, un savoir faire pour arranger le temple et surtout des conseils utiles des amis quand je fais fausse route…Nous ne savons pas toujours ce qu’il faut faire, ni ce qui sera bien ou utile dans l’avenir. La fraternité humaine, c’est quand le cœur est ouvert et que nous communiquons tous ensemble. Chaque cœur en évolution vers l’état de Bouddha contribue spontanément par ses compétences à construire un monde meilleur.
«Un pour tous, tous pour un» ( Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas.)
«Le Bouddha et les êtres sont un même cœur unique, il n’y a pas d’autre réalité» Huangbo, moine du Bouddhisme Chan 9°siècle




Le cœur de gratitude
Mon maître Aoki senseï parlait souvent de la gratitude qu’on doit aux autres et à toutes les choses qu’on utilise couramment ou qu’on possède. Il saluait le train, la voiture quand il en sortait. Le moindre de ses gestes était fait avec grâce. Je ne l’ai jamais entendu dire un mot dur sur qui que ce soit. Il remerciait sans cesse les Bouddhas et il disait: «Ce n’est pas nous qui vivons , ce sont les autres qui nous font vivre. J’ai une grande joie de vivre dans mon cœur, et je la transmet au monde». Son comportement me fait penser beaucoup aux règles de vie d’un sage de la Grèce antique.
J’ai passé de nombreux séjours au Japon en sa présence,dans la vie quotidienne, qui sont les plus beaux jours de ma vie. Maintenant, je continue toujours à penser à lui avec reconnaissance et je m’inspire de mes souvenirs pour essayer de devenir aussi bien que lui. Si on aime quelqu’un de bien, il devient un modèle que l’on respecte, on communique directement avec lui de cœur à cœur et cet amour fait développer nos plus nobles qualités.
Dans la voie spirituelle, la présence du maître est le plus important, il transmet son enseignement de cœur à Cœur au-delà des mots .
Le respect du disciple pour son maître spirituel provoque une ouverture de l’esprit et du cœur qui permet le développement intérieur et d’atteindre l’éveil. Le Bouddha est partout et dans tout, mais c’est à nous de découvrir sa présence en témoignant du respect et notre reconnaissance à notre environnement. Ainsi, chaque moment de notre vie quotidienne peut devenir une exercice religieux de communication avec le Bouddha, si nous vivons avec gratitude chaque rencontre.
Le plus difficile dans la voie c’est de lutter avec les mauvaises habitudes de penser, il faut casser la coquille de l’ego qui pense avoir tout compris sur la vie et être le centre du monde. Il faut perdre l’habitude de tout ramener à soi et de penser que tout nous est du. Prier et remercier pour la nourriture avant de la manger est un moment important. Nous devrions dédier les mérites de cette prière pour soulager les souffrances des animaux que nous mangeons. Celui qui s’enferme sur lui même par orgueil et égoïsme devient stupide.
Développer l’humilité et la gratitude dans son cœur, c’est certainement la tache la plus importante à faire pour son éducation personnelle, cela ouvre le cœur et permet de mieux communiquer avec les autres.
Lire la vie des grands personnages et fréquenter des religieux humbles peut aider à s’améliorer. Parfois l’essentiel de leur enseignement se résume en peu de lignes. Par exemple, le maître bouddhiste vietnamien Thich Nhat Hanh dit:
«Chaque jour, je m’éveille pour voir le monde avec les yeux de l’amour et je souris».
Quel beau résumé de l’essentiel!
Vers l’an 100, le philosophe Grec Épictète, parlait de l’importance de s’exprimer sans violence et à bon escient, il disait: «Avant de parler ou de répondre, il convient de savoir si ce qu’on dit est vrai, si ceci est bon, si c’est utile, et si c’est bien dit. »
Quand un nouveau venu demandait à Épictète, s’il connaissait des sages philosophes en Grèce, il ne parlait pas de lui mais emmenait le visiteur chez d’autres sages, il ne se mettait pas en avant. Il disait aussi:
« Signes certains, qu’un homme fait des progrès dans l’étude de la sagesse:
il ne blâme personne, il ne se plaint de personne, il ne loue personne, il ne parle point de lui comme s’il était quelque chose. Quand il trouve quelque obstacle ou quelque empêchement à ce qu’il veut, il ne s’en prend qu’à lui-même. Il n’a pour toutes choses que des mouvements peu empressés et soumis. Si on le traite de simple et d’ignorant, il ne s’en met pas en peine. En un mot, il est toujours sur ses gardes contre lui même comme un homme qui lui tend continuellement des pièges et qui est son plus dangereux ennemi.»




La lumière de Dainitchi-Nyorai remplit le monde du Dharmadhatu.
Dans le Shingon, on dit que l’univers qui nous entoure est le corps de Dharmakaya de Dainitchi-Nyorai, c’est un immense océan de lumière intelligente et sensible qui constitue le corps et les pensées de tout les êtres, de toutes les choses. Cette intelligence fonctionne dans une autre échelle de temps que nos petites vies humaines. Nous ne pouvons pas comprendre la grande intelligence qui gère toutes ces vies et les fait évoluer ensemble, ni ses buts, ni ses moyens, ni sa temporalité, c’est par l’ouverture du cœur que nous pouvons l’approcher et atteindre des niveaux d’éveil progressif.Les religions du monde en parlent toutes à leur façon, mais il n’est la propriété d’aucune. Il suffit de savoir qu’il est, au delà de tout les mots et des catégories que nous pouvons imaginer, c’est pourquoi on parle de vacuité. Comme cette force de vie imprègne tout, elle s’occupe avec une extrême attention de chaque être vivant et dans la nature elle s’exprime par un langage secret.
Nous pouvons sentir sa présence en nous quand nous sommes calme, concentré, loin des bruits et du bavardage. Alors, si nous avons un problème, il suffit d’aller prier au temple ou chez soi en répétant un mantra dans son cœur sans rien demander. Nous ne sommes jamais seul, ni perdu. Kannon sama qui est la grande compassion, entendra notre appel et il apportera son aide par un intermédiaire. Bientôt quelqu’un viendra nous aider sans savoir pourquoi il le fait. Il s’agit de persister dans la prière jusqu’au résultat final et de remercier ensuite l’envoyé du Bouddha. Chacun croit avoir une existence séparée de Dieu ou du Bouddha et des autres êtres, mais tous nous sommes constitués de la même eau, comme le sont toutes les vagues de l’océan et nous communiquons ensemble à différents niveaux.
L’idée que tout les objets, tout les êtres sont l’expression de Dainitchi-nyorai est plus facile à accepter quand tout va bien. S’il est difficile d’accepter qu’une situation injuste ou désagréable est l’expression de la sagesse primordiale, c’est qu’il y a un attachement et nous refusons de voir l’intelligence du Bouddha qui œuvre pour approfondir notre maturité.
Un enfant est attaché à ses jouets, un homme à sa famille et ses biens mais tout est illusoire et rien ne dure.
Développer son intériorité permet de trouver de nouvelles raisons de vivre, d’avoir un peu d’amour pour soi même et surtout pour les autres, de vivre sa vie avec patience, sans la dramatiser, sans s’attacher trop aux circonstances extérieures, ni à quelqu’un ou à une situation. La vie n’est pas un combat des forces du bien contre le mal mais contre la stupidité. Tout le monde a des défauts, mais chacun a fait quand même des efforts et a développé des compétences. Aussi, si on pense à quelqu’un, comme étant un Bouddha en cours d’évolution et que l’on voit ce qu’il y a de bon en lui plutôt que ce qu’il a fait de mauvais, on apprendra certainement à avoir de la patience et de l’humilité et lui peut-être aura-t-il du repentir? Dans le roman de Victor Hugo, «Les misérables», un prêtre sauve du bagne un forçât en niant qu’il lui a volé un chandelier en argent. Du coup, celui-ci devient un homme d’une grande humanité et fait partout du bien autour de lui. La vie est subtile, il faut l’accueillir avec souplesse et confiance, le bonheur n’est pas toujours un bien et un malheur n’est pas toujours définitif. Le changement a toujours quelque chose à nous apprendre sur nos fragilités quand nous faisons dépendre notre bonheur des choses du monde extérieur. Cette perte des repères affectifs nous oblige à chercher l’aide du Bouddha ou Dieu en nous.
Si les choses correspondent à ce que nous attendions, nous sommes heureux, tout nous paraît merveilleux dans le monde. Si c’est le contraire, nous sommes tristes ou anxieux et nous le voyons sinistre ou angoissant. Ensuite, nous attirons vers nous des choses ou des situations qui correspondent à cet état intérieur.
C’est pourquoi, nous devons cultiver en nous la joie et le sentiment de reconnaissance pour attirer le bonheur et la protection des Bouddhas quelque soient les circonstances et le proverbe dit bien :«Faites d’un malheur, un bonheur».
Il faut prier de tout son cœur, avec le sens de l’unité de la vie.




Le cœur sans attachement
Le bouddhisme parle du détachement du monde, mais il ne s’agit pas de développer de l’indifférence. «Aimer n’est-il pas ce qui fait vivre ici bas, nous embellit, fait voir le monde plus beau? N’est-ce pas plutôt notre rapport à l’attachement qu’il faut étudier?» Il y a une grande différence entre aimer et être attaché, c’est à dire être possessif et directif. Si nous nous crispons en amour, c’est que nous sommes devenu dépendant de l’autre, nous avons une peur viscérale de la perte, de l’abandon. Il ne s’agit donc pas de ne plus aimer mais d’amplifier ce besoin émotionnel au delà des formes proches et visibles, d’agrandir un amour centré sur soi et sa famille, à toute l’humanité. Cultiver consciemment la joie intérieure, la compassion, l’amour permet de dépasser les limites de son ego et le cœur communique directement avec la vie. Ainsi, on devient moins dépendant d’un seul être ou d’une famille.
La prière, la méditation deviennent beaucoup plus efficaces et profondes quand on s’abandonne à la volonté des Bouddhas et qu’on remercie quoiqu’il arrive en bien ou en mal. Un maître spirituel disait ainsi qu’il faut prier aussi pour ses ennemis.
C’est ainsi que l’on élève son esprit au dessus des désirs mondains et que l’on développe des qualités de Bouddha.
Le Bouddha donna l’enseignement des trois portes de la délivrance:
«Le recueillement du vide, le recueillement de l’absence de but, le recueillement de l’absence de caractères» Le vide signifie que tous les phénomènes sont illusoires. L’absence de caractère, c’est demeurer sans réflexion à l’égard de tout les phénomènes et ne pas chercher à les définir. L’absence de but, c’est ne rien souhaiter à l’égard de tout les phénomènes. C’est ainsi que notre esprit reste sans saisie dualiste, pure comme de la lumière. Prier consiste à respirer calmement cette lumière pure sans forme, donc à rester sans intention, sans désir, sans rien de formel, ni même avoir le désir de maîtriser le processus, comme le Bouddha qui accueille tout ce qui vient calmement.
Parmi les maîtres fondateur du Chan, un moine chinois nommé Mazu du 8° siècle, disait:«Le cœur,c’est le Bouddha»
«Ceux qui recherchent la Loi ne doivent rien rechercher. Il n’est pas de Bouddha en dehors du cœur. Il n’est pas de cœur en dehors du Bouddha. Ne vous attachez pas au bien, ne rejetez pas le mal, ne vous appuyez pas sur les deux extrêmes de la pureté et de l’impureté. Ainsi, vous comprendrez que la nature des fautes commises est vacuité. Le triple monde n’est que le cœur. Le cœur n’existe pas en soi, il existe à travers les formes. Mais comprenez que les phénomènes et l’absolu sont sans obstruction réciproque.»
L’illumination est au-delà des mots et des idées qu’un homme ordinaire peut s’en faire.
Il ne suffit pas d’être savant pour comprendre le bouddhisme. Dans plusieurs traditions religieuses, on raconte qu’un ascète était fier de ses efforts pour atteindre l’illumination. Cependant, Dieu lui parla et lui dit qu’il y avait un homme bien meilleur que lui dans tel village. Il partit donc pour rencontrer cet homme et découvrit qu’il s’agissait d’un simple cordonnier qui n’avait pas beaucoup de temps à consacrer à la prière. Alors, il lui demanda ce qu’il faisait et l’autre répondit qu’il voyait tout les jours passer beaucoup de gens devant sa boutique et qu’il priait pour eux en remerciant Dieu, sans se glorifier.
Les moines mendiants sont debout dans les rues, ils prient pour la foule qui passe devant eux et sur leurs chapeaux de paille est marquée la devise:
« Pour l’ignorant ce monde est un château qui nous enferme.Pour le sage libéré, les dix directions sont vides, il n’y a plus d’est ni d’ouest, où sont donc le sud et le nord?».



Yukai

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